Visa face à une enquête antitrust : l'hégémonie du géant des paiements remise en question

Dans le monde de la finance, Visa s'est imposé comme un acteur incontournable, contrôlant près de 60% des transactions par carte aux États-Unis. Fondée en 1958 sous le nom de BankAmericard, cette entreprise basée à Foster City, en Californie, a su s'adapter et innover au fil des décennies pour maintenir sa position dominante.

Cependant, cette hégémonie est aujourd'hui remise en question. Le 24 septembre 2024, le département américain de la justice a annoncé le lancement d'une procédure antitrust contre Visa. Cette enquête, qui cible les comportements de l'entreprise depuis 2012, vise à déterminer si Visa a abusé de sa position dominante pour dissuader les commerçants de se tourner vers la concurrence.

Les pratiques en question incluent l'augmentation des commissions pour les marchands ne choisissant pas l'exclusivité Visa, ainsi que des accords avec des concurrents potentiels tels qu'Apple, PayPal ou Square. Ces stratégies auraient permis à Visa de maintenir sa domination sur le marché, traitant plus de 200 milliards de transactions en 2023 et générant des revenus dépassant les 30 milliards de dollars.

Le procureur général Merrick Garland souligne l'impact considérable de ces pratiques :

"Les pratiques de Visa n'affectent pas le prix d'une seule chose, mais de toutes"

Cette situation aurait des conséquences significatives pour les consommateurs. Selon le Merchants Payments Coalition, le manque à gagner annuel pour une famille américaine moyenne s'élèverait à près de 1 100 dollars.

L'influence de Visa s'étend bien au-delà des frontières américaines. Opérant dans plus de 200 pays et territoires, l'entreprise fait face à des pressions similaires à l'échelle mondiale. En Chine, les autorités ont récemment demandé une baisse des commissions, tandis qu'en Europe, les fédérations du commerce ont sollicité une enquête auprès de la direction de la concurrence en juin 2024.

En France, où le Groupement des cartes bancaires CB domine encore 85% du marché domestique, la situation évolue également. Les frais augmentent, et la pression monte sur les acteurs dominants du secteur.

L'issue de cette procédure antitrust pourrait avoir des répercussions majeures sur l'industrie des paiements. Visa, qui a été l'une des premières entreprises à adopter la tokenisation et à lancer des programmes de crypto-monnaies, devra peut-être revoir ses stratégies pour s'adapter à un environnement réglementaire plus strict.

Alors que Visa continue d'investir massivement dans la recherche et le développement (plus d'un milliard de dollars en 2022) et d'innover avec des technologies comme l'intelligence artificielle pour la détection de fraudes en temps réel, l'entreprise devra trouver un équilibre entre innovation, domination du marché et pratiques équitables.

L'ère de l'hégémonie incontestée des géants des paiements semble toucher à sa fin, ouvrant la voie à un paysage financier potentiellement plus diversifié et compétitif.