Tensions en Côte d'Ivoire : Le droit de manifester en péril

En Côte d'Ivoire, la répression des manifestations soulève des inquiétudes. Les arrestations récentes de militants d'AGIP mettent en lumière les défis pour la liberté d'expression à l'approche des élections de 2025.

23 septembre 2024, 13:30  •  46 vues

Tensions en Côte d'Ivoire : Le droit de manifester en péril

La liberté de manifester en Côte d'Ivoire, pays d'Afrique de l'Ouest indépendant depuis 1960, fait face à des défis croissants. Le 13 septembre 2024, 25 membres de la plateforme citoyenne Agir pour le peuple (AGIP) ont été appréhendés à Abidjan, la plus grande ville du pays. Cinq jours plus tard, 16 d'entre eux ont reçu une peine de six mois d'emprisonnement pour "troubles à l'ordre public".

Cette situation s'inscrit dans un contexte de tensions sociales et politiques. La Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao, connaît des difficultés économiques malgré une croissance moyenne de 8% par an entre 2012 et 2019. Les revendications d'AGIP portent notamment sur la réduction du coût des denrées alimentaires et de l'électricité, dont le prix a augmenté de 10% en janvier 2024.

La manifestation prévue, qui n'a finalement pas eu lieu, visait également à protester contre les "déguerpissements" en cours à Abidjan. Ces opérations de destruction de quartiers précaires soulèvent des questions sur le respect des droits des populations vulnérables dans un pays où l'espérance de vie moyenne est d'environ 58 ans.

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Le contexte politique ajoute à ces tensions. À un an de l'élection présidentielle prévue fin 2025, les autorités semblent de plus en plus réticentes à autoriser les manifestations. Cette attitude rappelle la crise post-électorale de 2010-2011 et soulève des inquiétudes quant au respect des libertés fondamentales.

"Avoir une autorisation de manifester est devenu quasiment impossible"

Dihignité Dah Sansan, porte-parole d'AGIP

Les organisations de défense des droits humains, comme Amnesty International, s'inquiètent de cette restriction de l'espace public. Elles craignent un durcissement de la situation à l'approche des élections, dans un pays qui a déjà connu une guerre civile de 2002 à 2007.

Le gouvernement ivoirien justifie ces mesures par la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent. Cependant, cette approche risque de compromettre le droit de réunion et d'expression, pourtant essentiels dans une démocratie.

La Côte d'Ivoire, membre de l'Union Africaine et de la CEDEAO, se trouve à un carrefour. Le pays, qui a accueilli la Coupe d'Afrique des Nations en 2024, doit trouver un équilibre entre sécurité et respect des libertés civiles.

AGIP prévoit une nouvelle manifestation le 27 septembre 2024, avec ou sans autorisation. Cette détermination reflète la frustration croissante d'une partie de la population face aux défis socio-économiques, dans un pays où le taux d'alphabétisation n'est que d'environ 47% de la population adulte.

L'avenir dira si la Côte d'Ivoire, pays aux 60 langues locales et membre de l'Organisation internationale de la Francophonie, saura préserver son espace démocratique tout en répondant aux préoccupations de sa population.