Tensions croissantes entre l'Éthiopie et la Somalie : un équilibre régional menacé

Les relations entre l'Éthiopie et la Somalie se détériorent suite à un accord controversé avec le Somaliland. Ce rapprochement somalo-égyptien soulève des inquiétudes quant à la stabilité régionale et la lutte contre les Chabab.

26 septembre 2024, 08:12  •  100 vues

Tensions croissantes entre l'Éthiopie et la Somalie : un équilibre régional menacé

Les tensions entre l'Éthiopie et la Somalie ont atteint un nouveau sommet ces dernières semaines, menaçant l'équilibre fragile de la Corne de l'Afrique. Cette région, déjà instable en raison de l'insurrection des Chabab, groupe islamiste radical affilié à Al-Qaïda, fait face à une escalade diplomatique et militaire inquiétante.

Le 1er janvier 2024, l'Éthiopie a signé un protocole d'accord avec le Somaliland, une région autoproclamée indépendante de la Somalie depuis 1991. Cet accord prévoit la location de 20 km de côtes somalilandaises à l'Éthiopie pour une durée de 50 ans, en échange d'une potentielle reconnaissance officielle de l'indépendance du Somaliland. Cette décision a été perçue comme une "agression" par Mogadiscio, la capitale somalienne.

En réponse, la Somalie a intensifié ses relations avec l'Égypte, rivale de l'Éthiopie notamment en raison du grand barrage de la Renaissance (GERD) construit sur le Nil Bleu. Le 14 août 2024, un accord de défense a été signé entre les deux pays, suivi de deux livraisons d'armes égyptiennes les 27 août et 22 septembre.

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Le Caire a également proposé de contribuer à la force de l'Union africaine (UA) en Somalie, qui combat les Chabab depuis 2007. Cette offre intervient alors que la mission actuelle (ATMIS) doit être remplacée par une nouvelle mission (AUSSOM) en janvier 2025.

"Environ 10 000 soldats éthiopiens sont présents en Somalie."

Samira Gaid, analyste au cabinet Balqiis Insights à Mogadiscio

Ce rapprochement somalo-égyptien semble viser à faire pression sur l'Éthiopie dans les négociations actuellement dans l'impasse. Omar Mahmood, chercheur à l'International Crisis Group, explique : "La Somalie essaie de présenter un levier de pression, en suggérant l'intervention de troupes égyptiennes si le protocole d'accord n'est pas révoqué."

Cette escalade verbale et armée menace l'équilibre fragile de la Somalie, déjà confrontée à des affrontements entre clans et des tensions entre États fédérés et gouvernement central. L'augmentation des importations d'armes dans ce contexte tendu suscite l'inquiétude des experts.

Le ministre éthiopien des affaires étrangères a exprimé le 23 septembre 2024 sa crainte que les armes livrées par l'Égypte "ne finissent entre les mains de terroristes". Trois jours plus tôt, Mogadiscio accusait l'Éthiopie d'avoir effectué une "livraison non autorisée d'armes" au Puntland, une région autonome du nord de la Somalie.

La menace d'un retrait des troupes éthiopiennes soulève des inquiétudes, notamment dans l'État du Sud-Ouest somalien. Leur départ pourrait créer un vide sécuritaire que ni le gouvernement somalien ni les États fédérés ne semblent en mesure de combler.

Omar Mahmood résume la situation : "Si l'Éthiopie et la Somalie ne coopèrent pas, les Chabab seront les gagnants. Ils pourraient s'enhardir et en profiter." Par le passé, des retraits éthiopiens ont été immédiatement suivis d'avancées islamistes.

Cette crise met en lumière la complexité des relations dans la Corne de l'Afrique, où s'entremêlent des enjeux historiques, géopolitiques et sécuritaires. La stabilité de la région dépendra de la capacité des acteurs à trouver un compromis et à maintenir une coopération efficace dans la lutte contre l'extrémisme.