Scandale au cœur du karaté sénégalais : lanceurs d'alerte en péril

Un scandale financier secoue la fédération de karaté au Sénégal. Des lanceurs d'alerte, suspendus après leurs révélations, attendent une loi pour les protéger, promise par le gouvernement.

23 septembre 2024, 15:23  •  153 vues

Scandale au cœur du karaté sénégalais : lanceurs d'alerte en péril

Le karaté, art martial japonais signifiant "main vide", fait la fierté du Sénégal depuis son introduction en 1963. Cette discipline, devenue olympique aux Jeux de Tokyo 2020, a formé des milliers de jeunes, dont le président Bassirou Diomaye Faye et le premier ministre Ousmane Sonko. Cependant, depuis un an, le milieu des karatékas sénégalais est secoué par un scandale financier qui met en lumière les défis de la lutte contre la corruption.

Le 30 juin 2023, lors de l'assemblée générale de la fédération, des accusations de malversations financières ont été portées contre le président, le trésorier et le secrétaire général. Moussa D., maître quatrième dan, a soulevé la question des primes disparues destinées aux athlètes médaillés. Il s'agissait de 10 millions de francs CFA (environ 15 000 euros), une somme importante dans un pays où la transparence financière est cruciale pour la bonne gouvernance des fédérations sportives.

Suite à ces révélations, Bescaye Diop, président de la ligue régionale de Dakar, a saisi l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), créé en 2012. Il a été auditionné le 29 juillet 2023, fournissant des preuves, dont une lettre de reconnaissance signée par le trésorier mis en cause.

Malgré l'engagement du gouvernement à combattre la corruption, les autorités ont réagi lentement. Diop a alerté le ministre des sports le 24 juin 2024, puis les bureaux du premier ministre le 9 septembre. Cependant, le 11 septembre, lui et quatre autres lanceurs d'alerte ont été suspendus de leurs fonctions par le président de la fédération, principal accusé des détournements.

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Jimmy Kande, de la Plateforme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique (PPLAAF), souligne l'importance de protéger ceux qui osent dénoncer des pratiques illégales. Le projet de loi sur la protection des lanceurs d'alerte, initialement prévu pour mai 2024, a été reporté faute de majorité à l'Assemblée nationale. Le gouvernement espère le faire passer après les élections législatives anticipées du 17 novembre 2024.

Cette affaire met en lumière les défis auxquels le Sénégal est confronté dans sa lutte contre la corruption, un problème majeur pour de nombreux pays africains en développement. Le pays, qui a ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption en 2005, cherche à renforcer ses mécanismes de transparence et de responsabilité.

Le karaté, avec ses valeurs de discipline et de développement mental, se trouve paradoxalement au cœur de ce scandale. Alors que la pratique régulière de cet art martial peut améliorer la flexibilité, la force et l'équilibre, la fédération sénégalaise fait face à un déséquilibre éthique qui menace son intégrité.

L'issue de cette affaire et l'adoption éventuelle de la loi sur la protection des lanceurs d'alerte seront déterminantes pour l'avenir de la lutte contre la corruption au Sénégal. Elles pourraient également influencer la perception du karaté, un sport qui, depuis son développement à Okinawa au 15e siècle, a toujours été associé à des valeurs morales et éthiques fortes.