Repenser la gouvernance des œuvres d'art : vers un patrimoine mondial partagé

Face au débat sur la restitution des œuvres d'art, une nouvelle approche de gouvernance mondiale des musées émerge. Cette solution vise à concilier justice historique et partage culturel universel.

28 septembre 2024, 07:03  •  242 vues

Repenser la gouvernance des œuvres d'art : vers un patrimoine mondial partagé

Le débat sur la restitution des œuvres d'art, ravivé par le rapport Sarr-Savoy en 2018, reste un sujet de controverse. D'un côté, on trouve ceux qui réclament des restitutions massives au nom de la justice historique, de l'autre, ceux qui défendent les collections occidentales comme patrimoine universel. Cette polarisation appelle à une réflexion approfondie sur une nouvelle forme de gouvernance culturelle, basée sur la coopération internationale et le partage.

Le dilemme est complexe. Les arguments en faveur de la restitution sont éthiquement et historiquement fondés. Les objets acquis dans des conditions douteuses pendant l'ère coloniale représentent une blessure ouverte pour de nombreux pays. En 2020, la France a fait un pas significatif en restituant 26 objets au Bénin et un sabre historique au Sénégal, deux pays ayant obtenu leur indépendance en 1960.

Cependant, la conservation de certaines œuvres dans les grandes institutions occidentales a permis de mettre en lumière des cultures souvent méconnues. Le British Museum à Londres, fondé en 1753, et le Musée du quai Branly à Paris, ouvert en 2006, ont offert une visibilité mondiale à ces objets, sensibilisant des millions de visiteurs à l'héritage culturel des peuples colonisés.

Face à ce dilemme, une solution alternative émerge : transformer les musées en ambassadeurs du patrimoine mondial. L'idée serait de mondialiser la gouvernance des musées sous l'égide d'organisations comme l'UNESCO, fondée en 1945. Cette approche impliquerait les pays d'origine dans les décisions concernant ces trésors culturels, faisant des musées les gardiens d'un patrimoine mondial partagé.

Cette notion de patrimoine partagé n'est pas nouvelle. Depuis 1972, l'UNESCO a consacré le concept de "patrimoine mondial de l'humanité", gérant aujourd'hui un réseau de 1154 sites culturels et naturels. L'enjeu serait d'étendre cette gouvernance aux collections publiques internationales.

Il est important de noter que le débat sur les spoliations s'inscrit dans une longue histoire. Des pillages de l'Antiquité, comme celui de Rome par les Wisigoths en 410 après J.-C., aux conquêtes de Napoléon Bonaparte, qui créa le Musée Napoléon (aujourd'hui le Louvre) en 1803, en passant par les ambitions d'Adolf Hitler de créer un "Führermuseum", l'appropriation d'œuvres d'art a toujours été un enjeu de pouvoir.

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Pour protéger ce patrimoine, des initiatives ont été prises. La Convention de l'UNESCO de 1970 interdit le trafic illicite des biens culturels, tandis que la Convention de La Haye de 1954 protège les biens culturels en cas de conflit armé. Des groupes comme les "Monuments Men" ont même été formés pendant la Seconde Guerre mondiale pour protéger les œuvres d'art.

La solution proposée de gouvernance mondiale des musées s'inscrit dans cette lignée de protection et de partage du patrimoine culturel. Elle pourrait s'appuyer sur des organisations existantes comme l'ICOM (Conseil international des musées), qui compte plus de 44 000 membres dans 138 pays.

Cette approche permettrait de concilier la justice historique avec l'idée d'un patrimoine universel, tout en tenant compte de la réalité économique du marché de l'art mondial, estimé à environ 65 milliards de dollars par an. Elle offrirait également une plateforme pour la reconnaissance du patrimoine culturel immatériel, concept adopté par l'UNESCO en 2003.

En fin de compte, cette nouvelle gouvernance culturelle pourrait transformer les musées en véritables forums de dialogue interculturel, contribuant ainsi à une meilleure compréhension mutuelle dans un monde de plus en plus interconnecté.