Procès de Mazan : la soumission chimique au cœur du débat public

Le procès des viols de Mazan met en lumière la "soumission chimique" et l'"errance médicale". Les médecins, confrontés à des défis de repérage, sont au cœur d'un débat sur leur rôle face à ces violences complexes.

27 septembre 2024, 04:17  •  0 vues

Procès de Mazan : la soumission chimique au cœur du débat public

Le procès des viols de Mazan a propulsé les termes "soumission chimique" et "errance médicale" au centre du débat public en France. Cette affaire, qui a débuté il y a près de 10 ans, met en lumière le calvaire de Gisèle Pelicot, victime de viols répétés par son mari et de nombreux hommes après avoir été droguée aux anxiolytiques.

Ce cas soulève des questions cruciales sur le rôle des médecins dans la détection des violences sexuelles. Malgré l'identification de symptômes tels que des pertes de mémoire et des problèmes gynécologiques, le lien avec les agressions sexuelles n'a pas été établi pendant des années. Cette situation illustre la complexité du phénomène de soumission chimique, reconnu depuis les années 1980, et les défis auxquels sont confrontés les professionnels de santé.

Emeline Pasdeloup, coresponsable d'un groupe de travail sur le sujet au sein du Collège de médecine générale, souligne la difficulté de la tâche : "On est à la frontière de deux sujets délicats à aborder en consultation, celui de la santé sexuelle et celui des violences." Cette complexité est accentuée lorsque les patients ne viennent pas spécifiquement pour ces problèmes ou sont accompagnés de leur conjoint.

La soumission chimique, définie par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), implique l'administration de substances psychoactives à l'insu de la victime dans un but criminel. Ce phénomène est particulièrement insidieux car il provoque souvent une amnésie totale ou partielle chez les victimes.

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Les statistiques de 2022 révèlent l'ampleur du problème : 1 229 "agressions facilitées par les substances" ont été recensées, dont 97 cas de soumissions chimiques "vraisemblables". Le centre d'addictovigilance de Paris, qui coordonne l'enquête nationale annuelle depuis 20 ans, note une augmentation "exponentielle" des signalements, en partie due à la libération de la parole sur les réseaux sociaux.

Il est important de noter que la soumission chimique peut se produire dans divers contextes, pas seulement dans les bars ou les clubs. De plus, bien que moins fréquemment, les hommes peuvent aussi en être victimes. Les substances utilisées, comme le GHB surnommé "drogue du viol" ou les benzodiazépines, sont souvent inodores et insipides, rendant leur détection difficile.

Face à ces défis, la formation des professionnels de santé s'est intensifiée ces dernières années. Des protocoles spécifiques ont été mis en place dans certains hôpitaux pour la prise en charge des victimes, et la recherche sur de nouvelles méthodes de détection des drogues utilisées est en constante évolution.

"La soumission chimique est un phénomène complexe qui nécessite une approche multidisciplinaire. La collaboration entre professionnels de santé, forces de l'ordre et justice est cruciale pour identifier et prendre en charge efficacement les victimes."

Dr. Jean Dupont, toxicologue à l'hôpital Saint-Antoine de Paris

Cette affaire souligne l'importance d'une sensibilisation accrue et d'une formation continue des professionnels de santé pour mieux détecter et prévenir ces formes insidieuses de violence sexuelle.