Première action en justice d'investisseurs contre TotalEnergies en France

Des investisseurs ont poursuivi TotalEnergies en justice pour la première fois en France, contestant le refus d'inscrire une résolution sur la gouvernance. Cette affaire soulève des questions sur l'engagement actionnarial et la RSE.

27 septembre 2024, 04:14  •  0 vues

Première action en justice d'investisseurs contre TotalEnergies en France

Pour la première fois en France, des investisseurs ont intenté une action en justice contre TotalEnergies le 23 mai 2024. Cette démarche sans précédent marque un tournant dans l'engagement actionnarial, une pratique qui existe depuis les années 1970 aux États-Unis.

Le motif de cette action était le refus de l'entreprise d'inscrire à l'ordre du jour de son assemblée générale une résolution proposée par ces investisseurs. Cette résolution visait à séparer les fonctions de président et de directeur général, une pratique recommandée par de nombreux codes de gouvernance pour améliorer la supervision et l'équilibre des pouvoirs au sein de l'entreprise.

Anne-Claire Imperiale, directrice durabilité chez Sycomore, a expliqué :

"Notre coalition estime que le manque d'ambition de la stratégie climat de Total peut être lié à ce cumul et au fort pouvoir ainsi laissé à Patrick Pouyanné"

La coalition d'investisseurs

Le conseil d'administration, présidé par Patrick Pouyanné, qui occupe le poste de PDG depuis 2014, n'a pas jugé cette résolution pertinente. Bien que la proposition ait rempli la condition légale d'être soutenue par des actionnaires représentant au moins 0,5% du capital, un seuil spécifique à la France, elle a été rejetée.

Cette affaire soulève des questions importantes sur la gouvernance d'entreprise et la stratégie climatique, dans un contexte où l'Accord de Paris de 2015 a accru la pression sur les entreprises pour adopter des stratégies climatiques ambitieuses. Elle met également en lumière les limitations du droit de vote des actionnaires, qui est souvent "restreint aux groupes dont les gérants d'actifs détiennent une part importante", selon Nicolas Redon, expert en finance verte.

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Pour renforcer l'engagement actionnarial en faveur du climat, l'ONG Reclaim Finance, fondée en 2020, recommande aux actionnaires insatisfaits des plans environnementaux de l'entreprise de voter contre toutes les résolutions, y compris la réélection des administrateurs, les rémunérations, et les dividendes.

Cependant, le rôle des grands fonds d'investissement dans la promotion de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), un concept apparu dans les années 1960, reste controversé. Par exemple, Amundi, le plus grand gestionnaire d'actifs en Europe et premier actionnaire de TotalEnergies, a été critiqué en juin 2024 par Reclaim Finance pour avoir voté en faveur de toutes les résolutions du groupe, malgré les projets d'expansion dans les énergies fossiles.

L'engagement actionnarial peut également prendre d'autres formes. Depuis 2020, le Forum pour l'investissement responsable (FIR), créé en 2001, envoie dix questions écrites par an aux entreprises du CAC40, l'indice boursier principal de la Bourse de Paris créé en 1987.

Cette affaire met en évidence l'importance croissante de l'investissement socialement responsable (ISR) et le rôle des actionnaires dans la promotion de pratiques d'entreprise plus durables et responsables. Elle souligne également les défis auxquels sont confrontés les investisseurs qui cherchent à influencer les stratégies des grandes entreprises, en particulier dans le contexte de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique.