Michel Barnier rejette l'idée de "domaines réservés" présidentiels

Le Premier ministre français réaffirme le concept de "domaines partagés" avec le président, remettant en question une notion historique. Cette déclaration s'inscrit dans l'évolution de la pratique constitutionnelle de la Ve République.

25 septembre 2024, 03:03  •  0 vues

Michel Barnier rejette l'idée de "domaines réservés" présidentiels

Dans une récente intervention télévisée sur France 2, le Premier ministre français Michel Barnier a réaffirmé sa position concernant les prérogatives présidentielles, rejetant l'idée de "domaines réservés" au profit de "domaines partagés". Cette déclaration, faite le 22 septembre 2024, fait écho à ses propos tenus dix jours plus tôt devant les parlementaires Les Républicains à Annecy.

La notion de "domaine réservé" a une histoire complexe dans la Ve République française, établie en 1958. Bien que largement utilisée, elle n'a aucune base constitutionnelle, comme l'a souligné Alain Peyrefitte, ancien garde des sceaux, en mars 1978. Le professeur de droit Dominique Rousseau confirme cette absence dans le texte constitutionnel.

C'est Jacques Chaban-Delmas qui a introduit ce concept en 1959, lors des assises de l'Union pour la nouvelle République. Il décrivait alors un "secteur réservé ou présidentiel" englobant l'Algérie, la communauté franco-africaine, les affaires étrangères et la défense. Cette vision a évolué au fil du temps, notamment après le référendum de 1962 qui a instauré l'élection du président au suffrage universel direct.

Le général Charles de Gaulle, premier président de la Ve République, a réaffirmé son autorité lors d'une conférence de presse le 31 janvier 1964, déclarant qu'il n'y avait "pas de dyarchie au sommet de l'Etat". Cette interprétation a profondément influencé la pratique constitutionnelle française.

Image

Aujourd'hui, la réalité constitutionnelle est plus nuancée. Bien que le Président préside le Conseil des ministres et soit considéré comme le chef des armées, le Premier ministre dirige l'action du gouvernement et est responsable de la défense nationale. La politique étrangère et la défense, traditionnellement vues comme des prérogatives présidentielles, sont en réalité des domaines où la collaboration est essentielle.

La déclaration de Michel Barnier s'inscrit dans cette évolution de la pratique constitutionnelle. Elle reflète une interprétation plus flexible des pouvoirs, tenant compte des réalités politiques modernes. Le Premier ministre a souligné l'importance d'un "esprit de compromis positif, dynamique" avec le président, dans l'intérêt du pays.

Cette approche collaborative est d'autant plus pertinente que la Ve République a connu trois périodes de cohabitation politique. De plus, avec 24 modifications constitutionnelles depuis 1958, dont la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans en 2000, le système politique français continue d'évoluer.

"Il n'existe pas de domaines réservés attribués au président de la République, mais plutôt des domaines partagés. Il faut aussi cet esprit de compromis positif, dynamique avec le président, pour l'intérêt du pays."

Michel Barnier, Premier ministre français

En conclusion, la position de Michel Barnier illustre une tendance vers une interprétation plus équilibrée des pouvoirs au sommet de l'État français, reflétant les défis et les réalités de la gouvernance moderne dans le cadre de la Ve République.