Le roman qui dévoile l'évolution des droits des femmes en Tunisie

Un mystère familial dans la Tunisie des années 1930 sert de toile de fond à une exploration fascinante de l'évolution des droits des femmes. Le roman d'Amira Ghenim mêle habilement histoire et fiction.

29 septembre 2024, 10:02  •  13 vues

Le roman qui dévoile l'évolution des droits des femmes en Tunisie

Dans le paysage littéraire tunisien, un roman captivant a récemment émergé, offrant un regard pénétrant sur l'évolution des droits des femmes dans le pays. "Le Désastre de la maison des notables", écrit par l'universitaire Amira Ghenim, née en 1978, a connu un succès retentissant depuis sa publication il y a quatre ans.

L'intrigue se déroule principalement dans les années 1930, une période charnière de l'histoire tunisienne. Le pays était alors sous protectorat français, un statut qui a duré de 1881 à 1956. Au cœur du récit se trouve un mystère entourant deux grandes familles tunisoises, les Naifer et les Rassaa, dont les destins basculent lors d'une nuit fatidique en décembre 1935.

Ghenim utilise une technique narrative sophistiquée, présentant les événements à travers les perspectives de divers protagonistes, membres et domestiques des deux familles. Cette approche maintient le suspense tout au long des 500 pages du roman, incitant le lecteur à démêler la vérité parmi les différents témoignages.

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Le roman s'inscrit dans la tradition du roman historique, mêlant habilement personnages réels et fictifs. Parmi les figures historiques, Tahar Haddad occupe une place centrale. Cet intellectuel et militant syndical, décédé en 1935, a joué un rôle crucial dans l'évolution des droits des femmes en Tunisie. Son essai "Notre femme dans la législation islamique et la société", publié en 1930, a été révolutionnaire pour son époque, bien qu'il ait suscité la controverse.

L'influence de Haddad s'est fait sentir bien au-delà de sa mort. Ses idées ont directement inspiré le code du statut personnel promulgué par le président Habib Bourguiba en 1956, peu après l'indépendance de la Tunisie. Ce code était alors le plus progressiste du monde arabe, abolissant notamment la polygamie, une première dans la région.

La Tunisie a continué à être pionnière en matière de droits des femmes. En 1957, les Tunisiennes ont obtenu le droit de vote. En 1973, le pays a légalisé l'avortement, devançant de nombreux pays occidentaux. Le taux d'alphabétisation des femmes tunisiennes est aujourd'hui l'un des plus élevés du monde arabe.

La révolution tunisienne de 2011, qui a marqué le début du Printemps arabe, a renforcé ces acquis. La constitution de 2014 garantit explicitement l'égalité entre hommes et femmes. Cependant, le roman de Ghenim nous rappelle que ces progrès sont le fruit d'une longue lutte, enracinée dans l'histoire du pays.

Aujourd'hui, malgré les défis posés par la présidence de Kaïs Saïed, élu en 2019, la Tunisie reste à l'avant-garde des droits des femmes dans la région. Le roman d'Amira Ghenim nous invite à réfléchir sur ce parcours remarquable, tout en nous offrant une saga familiale captivante qui traverse quatre générations.

"Le Désastre de la maison des notables" s'inscrit dans une tradition littéraire tunisienne qui aborde souvent des thèmes sociaux et politiques. En mêlant habilement histoire et fiction, Ghenim nous offre un aperçu fascinant de l'évolution de la société tunisienne, vue à travers le prisme des droits des femmes.