Le kévazingo : symbole du dilemme forestier gabonais

Le Gabon autorise à nouveau l'exploitation du kévazingo, ravivant le débat entre protection environnementale et développement économique. Un choix controversé après le scandale de 2019.

26 septembre 2024, 15:05  •  0 vues

Le kévazingo : symbole du dilemme forestier gabonais

Le kévazingo, arbre emblématique des forêts d'Afrique centrale, se retrouve au cœur d'un débat complexe au Gabon, illustrant les tensions entre préservation environnementale et développement économique. Le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), au pouvoir depuis le coup d'État du 30 août 2023, vient d'autoriser à nouveau l'exploitation de cette essence précieuse, interdite depuis 2018.

Cette décision intervient dans un contexte où le Gabon, deuxième pays le plus boisé d'Afrique après la République Démocratique du Congo, cherche à diversifier son économie face au déclin de l'industrie pétrolière. Avec 22 millions d'hectares de forêt tropicale couvrant 80% de son territoire, le secteur forestier représente un potentiel de croissance significatif, contribuant actuellement à environ 4% du PIB national.

Le "kévazingogate", comme l'a surnommé la presse locale, a éclaté en 2019, mettant en lumière l'ampleur du commerce illégal. Les autorités douanières ont découvert 5 000 m3 de kévazingo, d'une valeur estimée à 7 millions d'euros, dans des entrepôts du port d'Owendo à Libreville. Ce scandale a entraîné des remaniements au plus haut niveau de l'État, soulignant l'importance politique de la gestion forestière.

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"Les hommes d'affaires chinois présents dans ce secteur d'activité sont des commerçants, pas des forestiers. Ils pensent pouvoir tout acheter, les fonctionnaires comme les certifications."

Consultant étranger familier du secteur forestier en Afrique centrale

Cette affaire a mis en évidence les défis auxquels le Gabon est confronté dans la gestion de ses ressources naturelles. Depuis 2010, le pays a pris des mesures progressistes, interdisant l'exportation de grumes brutes et exigeant une première transformation du bois avant l'exportation. Ces initiatives s'inscrivent dans une stratégie plus large de conservation, incluant la création de 13 parcs nationaux en 2002, couvrant 11% du territoire.

Le Gabon s'est également engagé dans des initiatives internationales telles que le programme REDD+ des Nations Unies et l'Initiative pour la Forêt de l'Afrique Centrale (CAFI). Le pays vise la certification FSC pour toutes ses concessions forestières d'ici 2025 et a mis en place un système de traçabilité du bois en 2018.

Malgré ces efforts, le Gabon fait face à un dilemme. D'un côté, le pays cherche à maintenir son statut de leader en matière de conservation, avec un taux de déforestation parmi les plus bas d'Afrique (moins de 0,1% par an). De l'autre, la nécessité de diversifier l'économie pousse à l'exploitation des ressources forestières.

La réautorisation de l'exploitation du kévazingo soulève des questions sur l'équilibre entre développement économique et préservation de la biodiversité. Alors que le Gabon vise la neutralité carbone d'ici 2050 et a créé un fonds souverain pour la conservation des forêts en 2022, cette décision pourrait avoir des implications significatives pour l'avenir environnemental du pays.

En fin de compte, le cas du kévazingo illustre les défis complexes auxquels sont confrontés les pays riches en ressources naturelles. Le Gabon devra naviguer habilement entre ses ambitions économiques et ses engagements environnementaux pour assurer un développement durable à long terme.