La France continue d'exporter des pesticides interdits malgré la loi

Malgré l'interdiction, la France exporte toujours des pesticides dangereux. Une faille législative permet aux entreprises agrochimiques de contourner la loi, exposant la santé et l'environnement à des risques.

24 septembre 2024, 08:27  •  0 vues

La France continue d'exporter des pesticides interdits malgré la loi

En 2022, la France a adopté une loi pionnière interdisant l'exportation de pesticides non autorisés dans l'Union européenne (UE). Cependant, deux ans plus tard, cette mesure semble avoir eu peu d'impact sur le terrain. Des enquêtes menées par diverses organisations révèlent que la production et l'exportation de ces substances dangereuses se poursuivent, exposant la santé humaine et l'environnement à des risques considérables.

La France, premier producteur agricole de l'UE, se trouve au cœur d'une controverse concernant l'exportation de pesticides interdits. Malgré l'adoption du plan Écophyto en 2008 visant à réduire l'usage des pesticides, le pays continue de produire et d'exporter des milliers de tonnes de substances chimiques interdites sur son propre territoire.

Les principales destinations de ces exportations incluent le Brésil, plus grand consommateur de pesticides au monde, l'Ukraine, important producteur de céréales en Europe, la Russie, pays le plus vaste du monde, et l'Inde, deuxième plus grand producteur de fruits et légumes à l'échelle mondiale.

L'un des aspects les plus préoccupants de cette situation est l'effet boomerang. Les produits agricoles traités avec ces pesticides dangereux reviennent sur le marché français, exposant les consommateurs à des risques sanitaires. De plus, la production de ces substances en France entraîne une pollution des ressources en eau autour des sites de fabrication.

Selon les données recueillies, en 2023, les autorités françaises ont autorisé l'exportation de près de 7 300 tonnes de pesticides interdits, un volume similaire à celui de 2022 (7 475 tonnes). Cette situation perdure malgré l'engagement de l'UE de réduire de 50% l'utilisation des pesticides d'ici 2030.

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Les géants de l'agrochimie, tels que Corteva et BASF, exploitent une faille dans la législation pour poursuivre leurs exportations en toute légalité. La loi s'applique aux produits "contenant" des substances non autorisées, mais pas aux substances actives elles-mêmes. Ainsi, Corteva a exporté plus de 3 000 tonnes de picoxystrobine, un fongicide interdit depuis 2017 pour son potentiel génotoxique, tandis que BASF a exporté plus de 1 400 tonnes de fipronil, un insecticide tueur d'abeilles banni en France depuis 2004.

Il est important de noter que l'abeille est considérée comme un bio-indicateur de la qualité de l'environnement, et que le fipronil a été au centre d'un scandale alimentaire en Europe en 2017. Ces exportations soulèvent des questions sur l'engagement de la France envers la protection de l'environnement et la santé publique.

"Nous nous engageons à combler cette brèche."

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique

Malgré cet engagement pris en décembre 2022, la brèche législative reste ouverte. Le ministère de la transition écologique explique que la modification nécessaire de la loi n'a pas encore pu être intégrée à un véhicule législatif récent.

Cette situation met en lumière l'importance de renforcer les réglementations internationales sur le commerce des produits chimiques dangereux, telles que la Convention de Rotterdam. Elle souligne également la nécessité d'une approche plus globale de la gestion des pesticides, comme le préconise l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui estime que 3 millions d'empoisonnements aux pesticides se produisent chaque année.

En conclusion, bien que la France ait fait un pas en avant avec sa loi de 2022, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour mettre fin à ce "dirty business" et protéger efficacement la santé humaine et l'environnement, tant au niveau national qu'international.