La financiarisation de la santé en France : un rapport sénatorial sonne l'alarme

Un rapport du Sénat met en lumière la progression inquiétante de la financiarisation dans le secteur de la santé en France. Des cliniques aux laboratoires, ce phénomène soulève des questions sur l'avenir des soins.

25 septembre 2024, 12:38  •  0 vues

La financiarisation de la santé en France : un rapport sénatorial sonne l'alarme

La financiarisation du secteur de la santé en France suscite de vives inquiétudes, comme le révèle un rapport sénatorial publié le 25 septembre 2024. Ce document de 256 pages, intitulé "Une OPA sur la santé ?", dresse un état des lieux alarmant de la situation actuelle.

Bernard Jomier, Corinne Imbert et Olivier Henno, les auteurs du rapport, mettent en lumière l'ampleur du phénomène dans divers domaines médicaux. Les cliniques privées à but lucratif sont particulièrement concernées, avec quatre grands groupes (Ramsay Santé, Elsan, Vivalto et Almaviva) contrôlant près de la moitié du marché français. Cette concentration est d'autant plus frappante que le secteur privé représente environ 25% des lits d'hospitalisation en France.

Les laboratoires de biologie médicale sont identifiés comme le secteur le plus financiarisé en ville, avec six groupes majeurs concentrant les deux tiers des sites. Cette situation est d'autant plus préoccupante que ces laboratoires réalisent environ 500 millions d'actes par an en France, jouant un rôle crucial dans le système de santé.

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D'autres domaines connaissent une financiarisation croissante. L'imagerie médicale, qui représente environ 4% des dépenses de santé en France, est désormais "financiarisée" à hauteur de 20 à 30%. Les centres de santé, notamment dentaires et ophtalmologiques, ainsi que les pharmacies, attirent également l'attention des investisseurs. Cette tendance s'étend même aux centres de soins primaires regroupant des médecins généralistes, un phénomène récent mais en pleine expansion.

Le rapport souligne la transformation d'un "capitalisme professionnel", où les praticiens conservaient le contrôle de leurs moyens de production, vers un "capitalisme financiarisé" dominé par des investisseurs extérieurs. Cette évolution soulève des questions cruciales sur la qualité et l'accessibilité des soins.

Bien que ces investissements soient présentés comme "rentables" et "sûrs" pour les groupes privés, le rapport évoque une "boîte noire" concernant la rémunération de ces acteurs. Les auteurs s'interrogent sur la capacité des autorités de tutelle, telles que les Agences Régionales de Santé (ARS) et l'Assurance-maladie, à contrôler efficacement ce processus et à garantir le respect des critères d'accessibilité, de qualité et de pertinence des soins.

Cette financiarisation s'inscrit dans un contexte plus large où le secteur de la santé représente environ 12% du PIB français, avec des dépenses s'élevant à environ 270 milliards d'euros en 2022. L'ampleur de ces chiffres explique l'attrait croissant des investisseurs pour ce domaine.

Le phénomène ne se limite pas aux secteurs traditionnels. Les start-ups de la santé ont levé plus de 2 milliards d'euros en France en 2022, tandis que le marché mondial de la santé numérique devrait atteindre 500 milliards de dollars d'ici 2025. Ces évolutions rapides posent de nouveaux défis en termes de régulation et de contrôle.

Face à ces enjeux, le rapport sénatorial appelle à une vigilance accrue et à une réflexion approfondie sur l'avenir du système de santé français. Il est crucial de trouver un équilibre entre l'innovation et l'investissement d'une part, et la préservation de l'accès aux soins et de leur qualité d'autre part.