La Commission européenne : entre ambition et menaces à son indépendance

La Commission européenne, sous la direction d'Ursula von der Leyen, fait face à des défis majeurs. Son indépendance, cruciale pour son efficacité, est menacée par des pressions politiques croissantes.

23 septembre 2024, 08:04  •  883 vues

La Commission européenne : entre ambition et menaces à son indépendance

La Commission européenne, institution clé de l'Union européenne, se trouve à un carrefour crucial de son histoire. Sous la direction d'Ursula von der Leyen, elle fait face à des défis sans précédent qui mettent à l'épreuve sa capacité à remplir son rôle unique au sein de l'architecture institutionnelle européenne.

Créée en 1958, la Commission européenne a été conçue comme un organe supranational, chargé de promouvoir l'intérêt général de l'Union. Jean Monnet, l'un des pères fondateurs de l'UE, envisageait une institution à l'abri des querelles partisanes, capable de transcender les intérêts nationaux. Cette vision originale a façonné la Commission comme une entité hybride, ni tout à fait un gouvernement, ni simplement une administration.

Au fil des décennies, la Commission a évolué, gagnant en légitimité démocratique grâce à des mécanismes tels que les auditions parlementaires des commissaires et le vote d'approbation. Cependant, cette évolution s'est accompagnée de défis. La Commission, qui emploie aujourd'hui environ 32 000 fonctionnaires, a parfois été critiquée pour son zèle bureaucratique et son dogmatisme juridique.

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L'indépendance de la Commission, pilier de son efficacité, est aujourd'hui menacée par des pressions politiques croissantes. Le Parlement européen et les États membres cherchent de plus en plus à influencer sa composition et son orientation. Cette tendance est illustrée par la récente déclaration de Manfred Weber, président du Parti populaire européen (PPE), évoquant une "Commission du PPE", une notion en contradiction avec le rôle de gardienne des traités de l'institution.

"La Commission doit rester gardienne des traités et non d'intérêts partisans."

Nicolas Schmit, chef de file des sociaux-démocrates aux européennes

Cette politisation croissante soulève des inquiétudes quant à la capacité de la Commission à maintenir son indépendance, essentielle à son rôle de moteur de l'intégration européenne. Jacques Delors, qui a présidé la Commission de 1985 à 1995, avait su préserver cette indépendance en maintenant un équilibre délicat entre les différentes forces politiques.

La Commission actuelle, dirigée par Ursula von der Leyen, la première femme à occuper ce poste, doit naviguer dans ces eaux troubles. Avec un mandat de cinq ans et la responsabilité de gérer un budget annuel d'environ 170 milliards d'euros, la Commission joue un rôle crucial dans la définition et la mise en œuvre des politiques européennes.

L'enjeu est de taille : préserver l'essence même de la Commission européenne, son indépendance et sa capacité à agir dans l'intérêt général de l'Union, tout en répondant aux exigences de légitimité démocratique. C'est de cet équilibre que dépendra la capacité de l'Europe à relever les défis majeurs qui l'attendent, de la compétitivité économique à la souveraineté européenne.