Conflit nobiliaire : un parc historique fermé aux enfants à Manzanares el Real

La fermeture du parc du Duc de l'Infantado à Manzanares el Real suscite l'indignation. La duchesse reprend possession du terrain après 50 ans d'usage public, soulevant des questions sur les privilèges nobiliaires.

23 septembre 2024, 01:13  •  0 vues

Conflit nobiliaire : un parc historique fermé aux enfants à Manzanares el Real

Dans la petite ville de Manzanares el Real, située à 50 kilomètres au nord de Madrid, un conflit entre la noblesse et la municipalité a abouti à la fermeture d'un parc historique, provoquant l'indignation des habitants. Le 2 septembre 2024, les enfants de cette commune de 9 000 âmes ont découvert avec tristesse que leur aire de jeux bien-aimée leur était désormais interdite.

Le parc du Duc de l'Infantado, appartenant à l'une des plus anciennes familles nobles d'Espagne, était utilisé par la communauté depuis 1975. Cette année-là, coïncidant avec la mort de Francisco Franco et le début de la transition démocratique espagnole, le grand-père de l'actuelle duchesse avait cédé l'usufruit du terrain à la municipalité. Pendant près de cinq décennies, ce jardin a été le cœur de la vie sociale de Manzanares el Real, offrant un espace vert précieux au centre-ville.

Almudena de Arteaga y del Alcazar, XXe duchesse de l'Infantado et écrivaine renommée de romans historiques, a mené une bataille juridique de dix ans pour récupérer la propriété. Malgré les tentatives de la municipalité de racheter le terrain, les négociations ont échoué en raison d'un désaccord sur le prix. Alors que le cadastre évaluait le terrain non constructible à 140 000 euros, la duchesse en réclamait 2,5 millions.

Le maire socialiste, José Luis Labrador, a expliqué sa position :

"Si j'avais accepté de payer ce que me demandait la propriétaire, je me serais rendu coupable de corruption"

Déclaration du maire sur les réseaux sociaux

Cette situation soulève des questions sur la persistance des privilèges nobiliaires dans l'Espagne moderne. Bien que la Constitution de 1978 reconnaisse les titres nobiliaires, la plupart des privilèges légaux de la noblesse ont été abolis au XXe siècle. Cependant, des conflits comme celui-ci montrent que l'héritage du système féodal peut encore avoir des répercussions sur la vie quotidienne des citoyens.

La fermeture du parc a provoqué une vague de protestations. Le 15 septembre 2024, jour de la reprise officielle du parc par la Maison de l'Infantado, des dizaines de familles se sont rassemblées pour manifester leur mécontentement. Vera Sanz, une résidente, a exprimé son désarroi : "Jusqu'à quand une seule famille pourra-t-elle se transmettre des biens hérités d'un système féodal, au détriment de l'intérêt général ?"

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La perte de cet espace vert est particulièrement ressentie dans une ville comme Manzanares el Real, connue pour son château du XVe siècle et sa proximité avec le parc national de la Sierra de Guadarrama. La région, populaire pour la randonnée et l'escalade, voit maintenant son seul parc urbain fermé, privant les familles d'un lieu de rencontre et de loisirs essentiel.

Face à cette situation, la municipalité a annoncé la création d'un nouveau parc sur un ancien parking. Cependant, pour de nombreux habitants, ce projet ne remplace pas la valeur historique et sociale du parc perdu. Cette affaire met en lumière les défis auxquels font face les villes espagnoles pour préserver leurs espaces verts urbains, un enjeu de plus en plus crucial dans un pays où les places publiques (plazas) ont traditionnellement joué un rôle central dans la vie communautaire.

Le conflit de Manzanares el Real illustre la tension persistante entre la propriété privée et l'intérêt public, un débat qui reste d'actualité dans l'urbanisme espagnol moderne. Alors que les municipalités luttent avec des budgets restreints depuis la crise économique de 2008, des cas comme celui-ci soulignent l'importance de trouver un équilibre entre les droits de propriété et les besoins de la communauté.