Bilan mitigé pour Eric Dupond-Moretti au ministère de la Justice

Après quatre ans à la tête du ministère de la Justice, Eric Dupond-Moretti laisse un héritage contrasté. Malgré des avancées budgétaires, des défis persistent dans le système judiciaire français.

23 septembre 2024, 08:52  •  938 vues

Bilan mitigé pour Eric Dupond-Moretti au ministère de la Justice

Le 23 septembre 2024, Eric Dupond-Moretti a passé le flambeau à Didier Migaud lors d'une cérémonie au ministère de la Justice à Paris, marquant la fin d'un mandat de plus de quatre ans. Ce bilan, bien que marqué par des avancées significatives, reste mitigé sur certains aspects cruciaux.

Dupond-Moretti, avocat pénaliste renommé surnommé "Acquittator" pour ses nombreux acquittements, a été nommé garde des sceaux en juillet 2020. Sa longévité à ce poste, rare ces dernières années, lui a permis de mettre en œuvre plusieurs initiatives importantes.

Parmi les réalisations notables de son mandat :

  • Une augmentation sans précédent du budget de la justice, qui a connu une hausse de 44% entre 2017 et 2023.
  • Un recrutement massif de magistrats et de greffiers, avec une augmentation de 20% du nombre de greffiers entre 2017 et 2023.
  • Le renforcement de la lutte contre les violences intrafamiliales.
  • L'adoption du Code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 septembre 2021.

Cependant, certains défis majeurs persistent :

  • La surpopulation carcérale, un problème chronique en France depuis des décennies, n'a pas été résolue.
  • L'absence d'une grande réforme symbolique portant son nom.
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Les relations de Dupond-Moretti avec les syndicats de magistrats ont été particulièrement tendues. Sa nomination avait été perçue comme une "déclaration de guerre" par l'Union syndicale des magistrats (USM), le syndicat majoritaire. Ces tensions ont culminé en novembre 2021 avec la publication de la "Tribune des 3 000" dans Le Monde, signée par environ un tiers des magistrats français, dénonçant les conditions de travail difficiles et le manque de moyens dans le système judiciaire.

En réponse à cette crise, Dupond-Moretti a dû s'engager dans un dialogue et une concertation, malgré ses réticences initiales. Les Etats généraux de la justice, lancés par le président Emmanuel Macron en 2021, ont été une tentative de répondre à ces préoccupations.

"Je veux porter la réforme du parquet et ouvrir sur la société la profession de magistrat."

Eric Dupond-Moretti, lors de son investiture

Bien que la réforme du parquet, visant à renforcer l'indépendance du ministère public, n'ait pas abouti, Dupond-Moretti a contribué à d'autres avancées importantes. Il a notamment soutenu la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), légalisée en France depuis 1975 par la loi Veil.

Le bilan de Dupond-Moretti illustre les défis complexes auxquels fait face le système judiciaire français. Malgré une augmentation significative des moyens, avec un budget représentant environ 3% du budget de l'État en 2023, des problèmes structurels persistent. Le taux d'incarcération en France, d'environ 105 détenus pour 100 000 habitants en 2023, reste élevé, et la durée moyenne d'un procès civil en première instance est toujours d'environ 12 mois.

En fin de compte, le passage de Dupond-Moretti au ministère de la Justice, situé place Vendôme à Paris, laisse un héritage contrasté. Si des progrès ont été réalisés en termes de moyens et de certaines réformes, les défis structurels du système judiciaire français restent à relever pour son successeur.