Dans un centre éducatif fermé (CEF) en France, un matin d'hiver 2022, une scène de violence éclate entre deux jeunes. Gwendal, alors âgé de 25 ans et apprenti éducateur spécialisé, se retrouve au cœur de l'incident. Cette expérience met en lumière les défis auxquels sont confrontés les travailleurs sociaux dans un secteur en crise.
Les CEF, créés en 2002 pour accueillir des mineurs délinquants multirécidivistes, sont des environnements complexes. Avec un taux d'encadrement théorique d'un adulte pour deux mineurs, la réalité est souvent différente. Gwendal se souvient : « J'étais livré à moi-même. La violence était totalement banalisée, quotidienne. »
Ancien rugbyman professionnel, Gwendal pensait que sa carrure imposante suffirait. Cependant, en tentant de séparer les jeunes, il reçoit un plateau avec vaisselle en pleine tête. Cet incident souligne les risques auxquels sont exposés les éducateurs, avec un taux élevé de burnout dans la profession.
« Pas un appel ou un message de mes collègues pour me demander comment ça va. J'étais là pour apprendre, mais je n'étais pas encadré. »
Après cet épisode, Gwendal quitte le CEF pour travailler dans un lieu de vie et d'accueil, structures qui accueillent en moyenne 7 enfants placés. Malgré ce changement, il reste critique : « Le travail des éducateurs n'est pas assez considéré. Nous sommes les éponges des problèmes que la société ne veut pas voir. »
Cette expérience s'inscrit dans un contexte plus large de crise d'attractivité du secteur médico-social. Selon une étude de l'Uniopss publiée en novembre 2023, 97% des établissements de protection de l'enfance rencontrent des difficultés de recrutement, avec 9% de postes vacants.
La formation est également touchée. En dix ans, le nombre d'étudiants inscrits dans les écoles de travail social a chuté de 6%, et près de 10% abandonnent dès la première année. Pourtant, la formation d'éducateur spécialisé, qui dure 3 ans, inclut 15 mois de stages pratiques, offrant une expérience concrète du terrain.
Le secteur médico-social, qui emploie environ 1,7 million de personnes en France et représente 8% du PIB, fait face à des défis majeurs. Avec un turnover d'environ 20% par an et un salaire moyen d'éducateur spécialisé d'environ 1800€ net par mois, attirer et retenir les talents devient crucial.
L'histoire de Gwendal illustre ces enjeux. Passé du rugby professionnel, qui compte environ 1800 joueurs en France, à l'éducation spécialisée, il incarne le potentiel de reconversion dans ce secteur. Cependant, les conditions de travail difficiles et le manque de reconnaissance freinent l'attractivité du métier.
Face à ces défis, le secteur doit se réinventer pour attirer de nouveaux talents et mieux soutenir ses professionnels. Avec environ 300 000 enfants placés en France et un coût moyen de 600€ par jour pour une place en CEF, l'enjeu est de taille pour assurer un accompagnement de qualité aux jeunes en difficulté.