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Syrie : Les femmes, piliers d'une société meurtrie par la guerre

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À Alep, des femmes comme Yasmine luttent pour élever seules leurs enfants dans un quartier ravagé. Elles font face à la pauvreté, la drogue et la violence, symboles d'une Syrie en reconstruction.

Dans les rues d'Alep, deuxième plus grande ville de Syrie et l'une des plus anciennes au monde, le quartier du Square de la Lune témoigne des cicatrices profondes laissées par plus d'une décennie de conflit. Ce secteur, autrefois connu pour ses activités illicites, est aujourd'hui le théâtre d'une lutte silencieuse menée par des femmes comme Yasmine, devenues malgré elles les piliers d'une société en reconstruction.

À 52 ans, Yasmine incarne le destin de nombreuses Syriennes. Vêtue de noir de la tête aux pieds, elle raconte avec retenue comment la guerre a bouleversé sa vie. "Mon mari est parti il y a douze ans, sans divorce. Le conflit l'avait transformé", confie-t-elle, son regard vif contrastant avec son corps frêle, marqué par les épreuves.

Le quartier de Yasmine, situé entre le marché aux poissons et la porte Nesrine de la vieille ville d'Alep, a été le théâtre de violents affrontements. En 2012, il est tombé aux mains des rebelles, entraînant de nombreux hommes dans la rébellion. La vie de Yasmine a basculé, la laissant seule avec ses six enfants.

"On n'a reçu aucune aide, ni d'un côté ni de l'autre, car mon fils était à l'armée"

Yasmine, habitante d'Alep

La résilience de Yasmine est remarquable, mais son histoire n'est pas unique. Depuis le début du conflit en 2011, la Syrie a connu le plus grand déplacement de population depuis la Seconde Guerre mondiale, avec plus de 5,6 millions de réfugiés à l'étranger et 6,7 millions de déplacés internes.

Le quartier du Square de la Lune, repris par les forces gouvernementales en 2016, est aujourd'hui un symbole des défis auxquels fait face la Syrie. Abandonné par les autorités, il est retombé dans la misère, la drogue et la prostitution. Soumaya Hallak, directrice d'une association d'aide, dresse un tableau alarmant de la situation des enfants : "On voit des enfants de 7 ans qui sniffent de l'essence, des fillettes victimes d'abus sexuels, des mariages précoces..."

Ces problèmes sociaux s'inscrivent dans un contexte économique désastreux. Plus de 80% de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté, et le taux de chômage a atteint 50% en 2017. L'espérance de vie a chuté de 20 ans depuis le début du conflit, et l'économie a perdu environ 226 milliards de dollars entre 2011 et 2016.

Malgré ces défis immenses, des femmes comme Yasmine continuent de lutter pour l'avenir de leurs enfants. Leur combat quotidien est un témoignage poignant de la résilience du peuple syrien face à une crise qui a déjà coûté la vie à plus de 500 000 personnes et détruit une grande partie du patrimoine culturel du pays.

La reconstruction de la Syrie passera inévitablement par le soutien à ces femmes, devenues les piliers d'une société meurtrie mais déterminée à se relever.

Verney Austin