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Révélations sur le fichage massif de critiques de l'agrochimie

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Une plateforme privée américaine a collecté des informations personnelles sur des scientifiques et militants opposés aux OGM et pesticides. Le but : les discréditer, selon une enquête du Monde et d'autres médias.

Une enquête menée par Le Monde et un collectif de médias internationaux a mis au jour l'existence d'une base de données privée nommée "Bonus Eventus". Cette plateforme, gérée par une entreprise américaine, a accumulé des informations personnelles sur plus de 500 individus considérés comme critiques de l'industrie agrochimique.

Les personnes ciblées incluent des scientifiques, des militants écologistes, des journalistes et des experts des Nations unies. Les informations collectées sont d'une précision sans précédent, allant bien au-delà du "fichier Monsanto" révélé il y a plus de 5 ans, en mai 2019.

La base de données contient des détails sur la vie privée, le patrimoine, les revenus, et même les opinions politiques des personnes fichées. Ces informations pourraient potentiellement être utilisées pour déstabiliser ou nuire à la réputation de ces individus.

L'accès à "Bonus Eventus" est strictement contrôlé par v-Fluence, une entreprise spécialisée dans la gestion de réputation pour l'agro-industrie. Environ un millier de personnes, principalement des cadres de l'industrie agrochimique, auraient accès à cette plateforme.

Cette révélation soulève des questions éthiques importantes sur les pratiques de l'industrie agrochimique. Il est à noter que cette industrie, fondée au début du 20e siècle, a connu de nombreuses controverses au fil des années.

Par exemple, l'introduction commerciale des OGM en 1994 a suscité de vives réactions. De même, l'utilisation du glyphosate, herbicide breveté par Monsanto en 1974, reste un sujet de débat. L'Union européenne a d'ailleurs interdit l'utilisation des néonicotinoïdes en 2018 pour protéger les abeilles.

L'agriculture intensive, qui utilise massivement des pesticides et des OGM, est de plus en plus remise en question. Elle consomme environ 70% de l'eau douce mondiale et contribue à environ 10% des émissions de gaz à effet de serre. Face à ces défis, l'agroécologie gagne en popularité comme alternative plus durable.

L'existence de "Bonus Eventus" témoigne de la tension croissante entre l'industrie agrochimique et ses critiques. Alors que le marché mondial des pesticides est estimé à plus de 60 milliards de dollars en 2024, l'Union européenne a fixé un objectif ambitieux de réduction de 50% de l'utilisation des pesticides d'ici 2030.

Cette affaire rappelle l'importance de la transparence et de l'éthique dans le débat sur l'avenir de l'agriculture. Elle souligne également la nécessité de protéger la vie privée et la liberté d'expression des scientifiques et des militants qui remettent en question les pratiques de l'industrie agrochimique.

"Chaque aspérité de sa vie privée et professionnelle suscite un fort intérêt de la part de l'industrie chimique."

Un chercheur anonyme, dont l'identité a été protégée par Le Monde, déclare :

Cette citation illustre la profondeur et l'étendue du fichage opéré par "Bonus Eventus", soulevant des inquiétudes quant au respect de la vie privée et à la liberté académique.

Angelique Labbé

Affaires