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Repenser la pêche durable : un appel urgent des scientifiques

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Face à l'échec de l'exploitation "durable" des océans, des experts proposent une nouvelle approche. Leur étude, publiée dans Nature, vise à préserver la biodiversité marine et nourrir les générations futures.

L'exploitation des ressources océaniques, qualifiée de "durable" depuis les années 1950, s'est révélée être un échec retentissant. En seulement quelques décennies, nous avons assisté à un effondrement alarmant des populations de poissons et de crustacés. Cette situation critique souligne l'urgence de repenser notre approche de la gestion des océans, qui couvrent environ 71% de la surface de la Terre et contiennent 97% de l'eau de notre planète.

Face à ce constat, une trentaine de scientifiques éminents, issus d'universités et de centres de recherche de douze pays, se sont réunis depuis 2020 à l'initiative de l'association Bloom. Leur objectif : redéfinir une véritable durabilité des pêches, capable de nourrir les générations futures tout en préservant la biodiversité marine. Les résultats de leurs travaux ont été publiés le 23 septembre 2024 dans la revue scientifique npj Ocean Sustainability du groupe Nature.

Callum Roberts, professeur de conservation marine à l'université d'Exeter au Royaume-Uni et auteur principal de l'étude, affirme :

"Nous devons considérer la pêche comme un privilège et non comme un droit. La vie marine est un bien public qui devrait bénéficier à la fois à la société et à la nature et qui ne devrait pas être l'objet d'une course aux ressources motivée par des gains privés."

Un changement de paradigme est nécessaire

Cette publication propose une feuille de route en onze actions, mettant en avant des principes essentiels pour une pêche véritablement durable. Ces principes incluent la minimisation des dommages environnementaux, la promotion de la régénération de la vie et des habitats marins, l'adaptation au changement climatique, et l'établissement d'une plus grande équité entre les différents acteurs du secteur maritime.

L'ampleur du déclin de la faune marine est désormais indéniable. Depuis 1970, le nombre de requins et de raies a chuté de 71% à l'échelle mondiale. Cette situation alarmante est d'autant plus préoccupante que les océans abritent plus d'un million d'espèces d'animaux et de plantes, dont beaucoup restent encore à découvrir.

Les auteurs de l'étude critiquent vivement le concept de "rendement maximum durable", largement adopté par les responsables politiques et économiques, notamment au sein de l'Union européenne. Callum Roberts explique :

"Ce concept repose sur une théorie simpliste et productiviste qui suppose que tant que les volumes de capture mondiaux restent en deçà d'une limite fixée, n'importe qui peut pêcher à peu près n'importe quoi, n'importe où, avec n'importe quelle méthode."

Une approche simpliste et inadaptée

Cette approche ne tient pas compte de la complexité et de la vulnérabilité des écosystèmes marins. Il est crucial de reconnaître que les océans produisent plus de 50% de l'oxygène de la planète et jouent un rôle vital dans la régulation du climat et des conditions météorologiques de la Terre.

La surpêche menace actuellement 63% des stocks de poissons dans le monde, tandis que la pêche illégale représente environ 20% des prises mondiales. Ces chiffres alarmants soulignent l'urgence d'adopter une approche plus holistique et équitable de la gestion des pêches.

Les scientifiques appellent à une prise de conscience collective de l'importance cruciale des océans pour notre survie. Avec plus de 3 milliards de personnes dépendant des océans pour leur subsistance, il est impératif de trouver un équilibre entre les besoins humains et la préservation de la biodiversité marine.

Cette nouvelle approche de la pêche durable devra également prendre en compte les défis posés par le changement climatique. La température moyenne des océans a augmenté de 0,13°C par décennie depuis 1900, et l'acidification des océans a progressé de 26% depuis le début de la révolution industrielle.

En conclusion, cette étude marque un tournant dans notre compréhension de la gestion durable des ressources marines. Elle appelle à une action urgente et concertée pour préserver nos océans, véritables poumons de la planète, et assurer un avenir durable pour les générations à venir.