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Procès à Mbour : la justice sénégalaise face aux trafiquants de migrants

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Un tribunal de Mbour juge des passeurs présumés suite à de récents naufrages meurtriers. Le procès met en lumière les défis de la lutte contre l'immigration clandestine au Sénégal.

Le 24 septembre 2024, le tribunal de grande instance de Mbour, situé à 70 km au sud-est de Dakar, a été le théâtre d'un procès crucial dans la lutte contre le trafic de migrants au Sénégal. Cette audience intervient dans un contexte marqué par de récentes tragédies maritimes, dont le naufrage d'une embarcation le 8 septembre ayant coûté la vie à au moins 39 personnes.

Le procès a mis en lumière le fonctionnement complexe des réseaux de passeurs. Cheikh Sow, 35 ans, figure parmi les principaux accusés. Il est soupçonné d'avoir participé à l'organisation d'un trafic de migrants. Face aux questions du procureur, Sow a fini par reconnaître certaines responsabilités, demandant pardon à l'assemblée.

Le témoignage d'Omar Sène, un candidat à l'émigration, a révélé les détails du processus : hébergement, transport vers la plage, et embarquement sur une pirogue surchargée. Le coût de la traversée s'élevait à 480 000 francs CFA (environ 732 euros), une somme considérable pour de nombreux Sénégalais.

Le commissaire Omar Boun Khatab Guèye, chef de la Division nationale de lutte contre le trafic des migrants (DNLT), a expliqué la structure des filières de trafic :

  • Les recruteurs
  • Les hébergeurs
  • Les organisateurs
  • Les capitaines de pirogue

Cette organisation complexe rend difficile l'arrestation simultanée de tous les acteurs impliqués.

Les statistiques de la DNLT montrent une augmentation alarmante des tentatives de traversées. Le nombre d'interceptions de pirogues est passé de 25 en 2023 à 61 au premier semestre 2024. Les arrestations de passeurs présumés ont également augmenté, passant de 127 à 210 sur la même période.

La loi sénégalaise du 10 mai 2005 prévoit des peines de 5 à 10 ans d'emprisonnement et des amendes allant de 1 à 5 millions de francs CFA pour le trafic de migrants. Cependant, Oumar Sène, avocat de la défense, souligne que les peines prononcées sont souvent moins sévères et donc peu dissuasives.

Le procureur a requis deux ans de prison, dont un an ferme, pour Cheikh Sow, et un an, dont six mois ferme, pour Mame Mor Ndiaye, un jeune chauffeur de taxi accusé de complicité. Le verdict sera rendu le 1er octobre 2024.

Ce procès s'inscrit dans un contexte plus large de lutte contre l'immigration clandestine au Sénégal. Le pays, avec ses 531 km de côte atlantique, est un point de départ majeur pour les migrants cherchant à atteindre l'Europe, notamment les îles Canaries. Les causes de ce phénomène sont multiples : chômage élevé chez les jeunes, crise du secteur de la pêche, et impacts du changement climatique sur les moyens de subsistance.

Le gouvernement sénégalais, sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye élu le 24 mars 2024, a annoncé une "traque sans répit" des passeurs. Des mesures telles que la mise en place d'un numéro vert pour dénoncer les trafiquants ont été instaurées. Le Sénégal collabore également avec l'Union européenne et l'Espagne pour renforcer les contrôles aux frontières.

Malgré ces efforts, la route migratoire des Canaries reste l'une des plus dangereuses au monde. Les naufrages fréquents, comme celui du 9 septembre 2024 où 38 corps ont été retrouvés dans une pirogue à la dérive, témoignent de l'urgence de trouver des solutions durables à cette crise humanitaire.

Le Sénégal a adopté une Stratégie Nationale de Migration en 2018, visant à mieux gérer les flux migratoires. Cependant, l'efficacité de ces mesures reste à prouver face à la persistance du phénomène et à l'ingéniosité des réseaux de passeurs qui utilisent désormais les réseaux sociaux pour recruter des candidats à l'émigration.

Ce procès à Mbour met en lumière les défis complexes auxquels le Sénégal est confronté dans sa lutte contre le trafic de migrants. Entre nécessité de justice, prévention des drames humains et développement économique, le pays cherche un équilibre difficile à atteindre.

[[Le procureur du tribunal de Mbour]]

C'est à cause de gens comme vous que les drames de l'immigration se succèdent. Vous tuez nos fils et vous voulez continuer votre vie comme si de rien n'était.

Mercer Bergeron

Politique