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Polémique en Inde : Modi participe à une cérémonie chez le chef de la justice

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Une rencontre controversée entre le Premier ministre Modi et le président de la Cour suprême indienne soulève des inquiétudes sur l'indépendance judiciaire. L'événement religieux privé remet en question la séparation des pouvoirs.

Une rencontre sans précédent entre Narendra Modi et le président de la Cour suprême indienne, Dhananjaya Yeshwant Chandrachud, a suscité une vive controverse en Inde. Le 11 septembre 2024, le Premier ministre a participé à une cérémonie religieuse hindoue privée au domicile du chef de la justice, remettant en question les principes fondamentaux de séparation des pouvoirs et de laïcité inscrits dans la Constitution indienne.

Cette rencontre inhabituelle intervient dans un contexte où l'Inde, la plus grande démocratie du monde avec plus de 1,4 milliard d'habitants, connaît une montée du nationalisme hindou depuis l'arrivée au pouvoir de Modi en 2014. Le Premier ministre, issu du parti BJP qui promeut une vision nationaliste hindoue, a souvent été critiqué pour son mélange de politique et de religion.

La cérémonie, dédiée à Ganesh, l'un des dieux les plus populaires du panthéon hindou, a été largement diffusée sur les réseaux sociaux par Modi lui-même. Les images montrent le chef de la justice et son épouse s'inclinant respectueusement devant le Premier ministre, les mains jointes, tandis que ce dernier procède aux rituels.

Cette scène a provoqué l'indignation de nombreux observateurs, dont Indira Jaising, une éminente avocate indienne. Elle a souligné que c'était la première fois dans l'histoire judiciaire du pays qu'un chef de la justice en fonction invitait un Premier ministre à une cérémonie religieuse publique.

"J'ai perdu toute confiance dans l'indépendance du président de la Cour suprême de l'Inde."

Indira Jaising, avocate indienne

La Constitution indienne, l'une des plus longues au monde, établit clairement la laïcité de l'État et garantit la liberté de religion. Cependant, l'hindouisme, pratiqué par environ 80% de la population, occupe une place de plus en plus centrale dans la vie politique sous le gouvernement Modi.

Cette tendance s'est manifestée récemment par une vidéo montrant le Premier ministre câlinant une vache, animal sacré dans l'hindouisme, dans sa résidence officielle. Ces images contrastent fortement avec la recrudescence des violences commises par des groupes extrémistes hindous contre des personnes accusées de consommer ou de commercialiser du bœuf.

La Cour suprême indienne, créée en 1950 et composée de 34 juges, joue un rôle crucial dans le maintien de l'équilibre des pouvoirs. Basée sur le common law britannique, elle dispose du pouvoir de révision judiciaire sur les lois. L'indépendance de cette institution est donc primordiale pour la démocratie indienne.

La rencontre entre Modi et Chandrachud soulève des questions sur l'impartialité du système judiciaire indien, notamment dans un contexte où le pays a connu une augmentation des violences communautaires ces dernières années. Cette situation met en lumière les tensions entre la tradition de pluralisme religieux de l'Inde et la montée de l'hindutva, une idéologie nationaliste hindoue développée dans les années 1920.

Alors que l'Inde continue de connaître une croissance économique rapide depuis les réformes de 1991, les observateurs s'inquiètent de l'érosion potentielle des principes démocratiques fondamentaux. La séparation des pouvoirs, pierre angulaire de la démocratie indienne, semble de plus en plus menacée par le mélange croissant de religion et de politique.

Cette controverse met en évidence les défis auxquels l'Inde est confrontée pour maintenir son caractère laïc et pluraliste, tout en naviguant dans les eaux troubles du nationalisme religieux. L'avenir dira si cet événement marque un tournant dans les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire en Inde, ou s'il restera une anomalie dans l'histoire de cette démocratie vibrante mais complexe.

Angelique Labbé

Politique