Le Musée d'art et d'histoire de l'hôpital Sainte-Anne (MAHHSA) à Paris présente depuis le 11 septembre 2024 une œuvre singulière : "Le Plancher de Jeannot". Cette création unique, réalisée entre 1971 et 1972 par Jean Crampilh-Broucaret, continue de fasciner et d'intriguer les visiteurs et les experts.
L'œuvre consiste en un parquet de chêne de 16 mètres carrés, gravé à la perceuse et au ciseau à bois. Le texte, composé de 67 lignes en lettres capitales, aborde des thèmes religieux et personnels. Il débute par ces mots : "La religion a inventé des machines à commander le cerveau des gens." Cette déclaration provocante reflète la complexité de l'œuvre et de son créateur.
La découverte fortuite du "Plancher de Jeannot" en 1993 par le Dr Guy Roux, neuropsychiatre à Pau, a marqué le début d'un parcours extraordinaire pour cette œuvre. Depuis, elle a suscité un vif intérêt dans les milieux psychiatriques et artistiques, voyageant à travers différents congrès et expositions.
L'histoire de Jean Crampilh-Broucaret, né en 1939 et décédé en 1972 à l'âge de 33 ans, peu après avoir achevé son œuvre, ajoute une dimension poignante à ce témoignage gravé. Son parcours difficile et sa fin prématurée soulèvent des questions sur la nature de sa création. S'agit-il d'une manifestation de troubles psychiatriques ou d'une forme d'expression artistique unique ?
Le débat sur la classification de cette œuvre persiste. Certains y voient un exemple d'art brut, concept défini par Jean Dubuffet en 1945 comme des "ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique". D'autres la considèrent comme le témoignage des souffrances d'un individu potentiellement atteint de schizophrénie, une maladie qui touche environ 1% de la population mondiale.
Après une longue période d'exposition verticale devant l'hôpital Sainte-Anne de 2007 à 2022, "Le Plancher de Jeannot" est désormais présenté dans sa position originelle horizontale au MAHHSA. Cette nouvelle présentation, fruit d'une restauration minutieuse et de recherches approfondies, offre aux visiteurs une expérience plus authentique de l'œuvre.
La Dr Anne-Marie Dubois, responsable scientifique du MAHHSA, et Dominique Viéville, historien de l'art monumental, appellent à la prudence dans l'interprétation de cette œuvre complexe. Ils soulignent l'importance de considérer tous les aspects de sa création et de son contexte historique.
"Le Plancher de Jeannot" continue de soulever des questions fascinantes sur la frontière entre art et expression personnelle, entre créativité et souffrance. Son exposition au MAHHSA offre une opportunité unique d'explorer ces thèmes et de réfléchir sur la nature de l'art et de l'expérience humaine.