La France s'apprête à franchir une étape majeure dans le domaine de la mobilité durable avec le projet d'une "autoroute électrique". Cette innovation, qui pourrait révolutionner le transport routier, sera expérimentée en 2025 sur un tronçon de 2 kilomètres de l'A10, au sud-ouest de Paris, près de Saint-Arnoult-en-Yvelines.
Le concept de l'autoroute électrique repose sur la technologie de recharge par induction, découverte par Michael Faraday en 1831. Des bobines de cuivre, excellent conducteur d'électricité, seront installées à environ 10 centimètres sous la chaussée de la voie de droite. Ces bobines généreront un champ magnétique qui sera capté par un dispositif sous le véhicule, permettant ainsi de recharger la batterie en roulant.
Ce projet ambitieux, estimé à 26 millions d'euros et financé par l'État, implique plusieurs acteurs clés. Vinci Autoroutes, qui gère près de 4 443 km d'autoroutes en France, collabore avec l'université Gustave-Eiffel et l'industriel Hutchinson, une filiale du groupe Total. Cette initiative s'inscrit dans le cadre d'un appel à projets de Bpifrance, la banque publique créée en 2012 pour soutenir l'innovation.
La nécessité de décarboner le transport routier est au cœur de ce projet. Christophe Hug, directeur général adjoint chargé de la politique environnementale de Vinci Autoroutes, souligne l'importance de cette démarche :
"La route assure 87 % des déplacements de personnes et de marchandises. Même dans le scénario le plus optimiste de report sur le ferroviaire, elle représentera plus de 75 % des déplacements en 2050. C'est donc la route qu'il faut décarboner"
Cette technologie présente de nombreux avantages. Selon Louis du Pasquier, directeur des mobilités décarbonées de Vinci Autoroutes, une puissance de 200 kilowatts permettrait de recharger 50% de la batterie d'une voiture en seulement dix minutes de conduite sur la voie équipée. Cela pourrait réduire considérablement la taille des batteries, divisant par deux ou trois leur capacité actuelle.
L'impact potentiel sur l'industrie automobile est significatif. Les véhicules électriques, qui représentaient environ 10% des ventes mondiales de voitures en 2022, pourraient voir leur adoption s'accélérer grâce à cette innovation. De plus, la réduction de la taille des batteries pourrait diminuer la demande en matériaux critiques utilisés dans leur fabrication.
Virginie Delcroix, directrice du développement durable de Geodis, filiale logistique de la SNCF présente dans plus de 120 pays, exprime son enthousiasme pour cette technologie qui pourrait résoudre les contraintes de recharge sur autoroute.
Il est important de noter que la France n'est pas seule dans cette démarche. La Suède, qui vise la neutralité carbone d'ici 2045, a déjà inauguré la première route électrique au monde en 2018. L'harmonisation des technologies à l'échelle européenne sera cruciale pour le succès de cette initiative.
En parallèle, Vinci Autoroutes testera également une solution alternative sur le même tronçon de l'A10. Cette technologie, développée par Alstom, consiste à charger la batterie via un rail plat fixé sur la chaussée, utilisant des patins rétractables. Ce système est déjà en service sur les tramways de Tours et de Bordeaux, dont les premières lignes ont été inaugurées respectivement en 2013 et 2003.
L'autoroute électrique représente une avancée prometteuse dans la lutte contre le changement climatique, notamment dans le secteur du transport routier qui est responsable d'environ 30% des émissions de CO2 en France. Si cette expérimentation s'avère concluante, elle pourrait être étendue à une partie des 11 000 km d'autoroutes françaises, ouvrant la voie à une nouvelle ère de mobilité durable.