Dans la nuit du 25 au 26 septembre 2024, la Chine a procédé à un tir de missile balistique intercontinental dans l'océan Pacifique, marquant une étape significative dans la démonstration de ses capacités militaires. Cet essai, le premier de ce type depuis plusieurs décennies, a suscité de vives réactions dans la région Indo-Pacifique.
Le missile, lancé depuis la péninsule du Hainan, a survolé le Japon avant de s'abîmer en mer à environ 11 700 kilomètres de son point de départ, non loin de la Polynésie française. Bien que l'ogive ait été factice, comme c'est la norme pour ce genre d'exercice, l'événement a provoqué l'inquiétude des nations voisines.
Héloïse Fayet, experte en dissuasion à l'Institut français des relations internationales (IFRI), souligne que la Chine effectue habituellement ces essais sur son propre territoire. Cette fois-ci, le choix d'un test à longue portée au-dessus d'eaux internationales marque un changement notable.
Les réactions des pays de la région ont été promptes et critiques. Le Japon a exprimé son mécontentement de ne pas avoir été informé à l'avance. L'Australie a demandé des explications à Pékin, tandis que la Nouvelle-Zélande a qualifié ce tir de "malvenu et préoccupant".
Le ministère de la défense chinois a répondu par un bref communiqué, affirmant que ce lancement faisait partie du "programme annuel d'entraînement de routine de la Force des missiles" et qu'il était conforme au droit international.
Ce test s'inscrit dans le contexte plus large de la modernisation des forces nucléaires chinoises. Depuis son premier essai nucléaire en 1964, la Chine a considérablement développé son arsenal. Aujourd'hui, elle possède environ 350 ogives nucléaires et continue d'investir dans de nouvelles technologies comme les missiles hypersoniques DF-17 et les MIRV (véhicules de rentrée multiples indépendamment ciblables).
Ankit Panda, chercheur à la Fondation Carnegie pour la paix internationale, estime que cet essai témoigne des progrès de la modernisation chinoise dans le domaine nucléaire. Il reflète de nouveaux besoins en matière d'essais pour valider les capacités des systèmes d'armes avancés.
Marc Julienne, directeur du centre Asie de l'IFRI, interprète ce tir comme un message adressé à Washington. En effet, le missile est passé non loin de l'île de Guam, territoire américain stratégique dans le Pacifique. Cette démonstration vise à prouver la crédibilité et l'opérationnalité de la Force de missiles chinoise, ainsi que ses capacités de dissuasion nucléaire.
Il est important de noter que la doctrine nucléaire chinoise repose sur le principe de "non-première utilisation" et adopte une posture de "dissuasion minimale". Cependant, le développement continu de son arsenal, incluant des missiles comme le DF-41 capable de transporter jusqu'à 10 ogives nucléaires, soulève des questions sur l'évolution de cette stratégie.
"Ce lancement fait partie du programme annuel d'entraînement de routine de la Force des missiles. Il est conforme au droit et aux pratiques internationales et ne vise aucun pays ou cible spécifiques."
Ce test intervient dans un contexte de tensions géopolitiques accrues dans la région Indo-Pacifique. La Chine cherche à affirmer sa présence militaire et à contrebalancer l'influence américaine, notamment à travers sa stratégie du "collier de perles" visant à établir des bases navales dans l'océan Indien.
Alors que la Chine poursuit sa modernisation militaire, incluant le développement de systèmes de défense antimissile comme le HQ-19, la communauté internationale observe attentivement l'évolution de ses capacités et de sa doctrine nucléaire. L'essai récent souligne l'importance croissante de la Chine dans l'équilibre stratégique mondial et les défis que cela pose pour la stabilité régionale et internationale.