gael-faye-explore-le-silence-post-genocide-dans-jacaranda

Gaël Faye explore le silence post-génocide dans "Jacaranda"

 • 0 views

Huit ans après "Petit pays", Gaël Faye revient avec "Jacaranda", un roman qui examine l'impact du génocide rwandais sur quatre générations, explorant le silence et la mémoire traumatique.

Huit ans après le succès retentissant de "Petit pays", Gaël Faye publie son deuxième roman, "Jacaranda". Cette œuvre, attendue avec impatience, explore les conséquences durables du génocide des Tutsi au Rwanda, survenu il y a 30 ans, en 1994.

"Jacaranda" se déroule entre la France et le Rwanda, pays où Gaël Faye réside actuellement. Le roman aborde la question complexe de la mémoire et du silence qui entourent cet événement tragique, examinant son impact sur quatre générations distinctes.

Le Rwanda, surnommé "le pays des mille collines", est un petit pays enclavé d'Afrique de l'Est, couvrant une superficie de 26 338 km². Malgré sa taille modeste, comparable à celle de la Bretagne en France, son histoire récente est marquée par une violence inouïe. Le génocide de 1994, considéré comme le dernier du XXe siècle, a impliqué environ un cinquième de la population rwandaise, rendant la coexistence extrêmement difficile par la suite.

Gaël Faye explore dans son roman les mécanismes du silence et de l'amnésie comme réponses à l'impossibilité de vivre ensemble après un tel traumatisme. Il met en lumière la difficulté de parler de ces événements, même au sein des familles :

"Ne va pas remuer le passé, (...) ça ne se fait pas dans notre culture d'être indiscret"

Une mère à son fils

Cette réticence à aborder le passé n'est pas unique à la culture rwandaise, mais reflète une tendance universelle face aux traumatismes collectifs.

Le roman se concentre sur quatre générations : les enfants de 1994 qui n'ont pas compris ce qui se passait, leurs parents et grands-parents qui ont perdu une grande partie de leur famille, et les enfants nés après 1994 qui portent inconsciemment cet héritage traumatique.

L'histoire de Stella, une enfant née après le génocide, symbolise cette transmission silencieuse du trauma. Son attachement à un jacaranda, arbre aux fleurs mauves emblématique, représente le lien invisible avec le passé. Lorsque l'arbre est abattu, Stella perd sa voix, illustrant la nécessité de briser le silence pour guérir.

Le choix du jacaranda comme symbole central est significatif. Cet arbre, non natif du Rwanda, a été introduit pendant la période coloniale belge qui a pris fin en 1962. Il représente ainsi la complexité de l'histoire rwandaise, mêlant beauté et douleur.

Depuis le génocide, le Rwanda a connu des changements significatifs. Le pays a mis en place des tribunaux communautaires appelés "Gacaca" pour juger les crimes, a interdit l'utilisation des sacs plastiques en 2008, et possède l'un des taux les plus élevés de femmes au parlement dans le monde. Malgré ces progrès, le poids du passé reste omniprésent.

"Jacaranda" de Gaël Faye s'inscrit dans une démarche de mémoire et de réconciliation, reflétant les efforts du pays pour faire face à son histoire tout en se tournant vers l'avenir. Le roman rappelle l'importance de la parole et de la transmission pour surmonter les traumatismes collectifs, un message qui résonne bien au-delà des frontières du Rwanda.

Verney Austin

Politique