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Appel urgent pour protéger les journalistes au Sahel

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Plus de 500 radios locales d'Afrique de l'Ouest lancent un appel à la protection des journalistes au Sahel. Face aux menaces croissantes, elles demandent des actions concrètes aux autorités.

Dans une initiative sans précédent, plus de 500 radios locales d'Afrique de l'Ouest ont lancé un appel urgent pour la protection des journalistes au Sahel. Cette région, qui s'étend sur environ 3 053 200 km² et traverse 10 pays africains d'ouest en est, fait face à des défis majeurs en matière de liberté de presse et de sécurité des journalistes.

L'appel, lancé le 24 septembre 2024 à Bamako, souligne l'importance cruciale des radios communautaires dans la diffusion d'informations locales. Ces radios, qui émettent à moyenne portée, jouent un rôle vital dans des zones souvent reculées, où l'accès à l'information est limité pour des raisons matérielles, sécuritaires ou politiques. Elles couvrent des sujets essentiels tels que la santé, l'éducation et l'agriculture, généralement dans les langues locales.

Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de Reporters sans frontières (RSF), a souligné l'urgence de la situation : « Il est important que le Sahel ne devienne pas ce trou noir de l'information ». RSF, une ONG internationale fondée en 1985 qui publie chaque année un classement mondial de la liberté de la presse, est à l'origine de cette initiative.

La situation des journalistes au Sahel est alarmante. Depuis novembre 2023, deux journalistes de radios communautaires ont été tués au Mali et au Tchad, et au moins quatre autres ont été enlevés. Ces chiffres illustrent les dangers auxquels sont confrontés les professionnels de l'information dans une région où la liberté de la presse, pourtant reconnue comme un droit fondamental par la Déclaration universelle des droits de l'homme, est gravement menacée.

Les radios communautaires opèrent dans un environnement particulièrement hostile. Le Sahel, qui compte une population d'environ 150 millions d'habitants, est confronté à une montée de l'extrémisme et du terrorisme depuis plusieurs années. Les journalistes rapportent des interventions de groupes armés visant à modifier le contenu des programmes, voire à prendre le contrôle des antennes. Au Tchad, pays dont la capitale est N'Djamena, des journalistes ont été assassinés à leur domicile pour avoir simplement couvert des conflits entre agriculteurs et éleveurs, deux activités économiques majeures dans la région.

Face à cette situation critique, l'appel lancé par les 547 radios communautaires demande aux autorités des pays sahéliens de prendre des mesures concrètes. Parmi ces demandes figurent l'ouverture systématique d'enquêtes en cas d'assassinat, des actions pour la libération des journalistes enlevés, la participation à la reconstruction des locaux de radio détruits, la formation des équipes à la sécurité, et la reconnaissance légale de l'importance des radios communautaires.

Il est à noter que la radio reste le média le plus répandu et accessible dans de nombreuses régions rurales d'Afrique. L'UNESCO soutient d'ailleurs le développement des radios communautaires dans le monde, reconnaissant leur rôle crucial dans l'accès à l'information, un facteur clé du développement durable selon les Nations Unies.

La situation de la presse au Sahel est d'autant plus préoccupante que la région fait face à de nombreux défis, notamment la désertification et le changement climatique. Dans ce contexte, l'accès à une information fiable et locale est primordial pour les populations.

En avril 2023, RSF avait déjà tiré la sonnette d'alarme, décrivant le Sahel comme étant en passe de devenir « la plus grande zone de non-information de l'Afrique ». L'ONG soulignait alors que les journalistes étaient pris entre la violence des groupes armés d'une part, et les restrictions, pressions, suspensions de médias et expulsions de correspondants étrangers par les autorités d'autre part.

Cet appel à la protection des journalistes au Sahel rappelle que la sécurité des professionnels de l'information est un enjeu mondial. Chaque année, des centaines de journalistes sont tués dans l'exercice de leur fonction, mettant en péril le rôle crucial du journalisme en tant que "quatrième pouvoir" dans une démocratie.

« Au Tchad, les journalistes des radios communautaires sont trouvés directement dans leur maison et sont tués simplement parce qu'ils ont couvert des conflits latents entre agriculteurs et éleveurs. »

Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

L'initiative des radios locales d'Afrique de l'Ouest met en lumière l'urgence d'agir pour préserver la liberté de la presse et protéger les journalistes dans une région où l'information est plus que jamais nécessaire au développement et à la stabilité.

Angelique Labbé

Politique