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Algérie : La réélection contestée de Tebboune renforce l'emprise militaire

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La réélection controversée du président Tebboune en Algérie soulève des questions sur la légitimité du scrutin. L'armée semble reprendre une place prépondérante dans le paysage politique du pays.

La réélection du président algérien Abdelmadjid Tebboune le 7 septembre 2024 a suscité de vives controverses, mettant en lumière les failles du système politique du plus grand pays d'Afrique. Avec un taux de participation officiellement annoncé à 46%, mais estimé en réalité à environ 10%, le scrutin a révélé un profond désenchantement de la population algérienne.

Le score de 84,3% obtenu par Tebboune ne reflète pas la réalité du soutien populaire. Cette situation rappelle les défis auxquels l'Algérie est confrontée, notamment un taux de chômage des jeunes dépassant 30% et une économie fortement dépendante des hydrocarbures, l'Algérie étant le troisième producteur de pétrole en Afrique.

La cérémonie de prestation de serment du 17 septembre a été marquée par une présence inhabituelle et massive de généraux, signalant un retour en force de l'Armée nationale populaire (ANP) sur la scène politique. Cette évolution s'inscrit dans une longue tradition d'influence militaire sur le pouvoir algérien, remontant à l'indépendance en 1962.

L'histoire politique de l'Algérie est intimement liée à son armée. Créée en 1962, l'ANP a joué un rôle central dans la formation de l'État algérien post-indépendance. Sous la présidence de Houari Boumediene (1965-1978), l'Algérie a connu une période de socialisme, avec le Front de Libération Nationale (FLN) comme parti unique jusqu'en 1989.

La fin des années 1980 a marqué un tournant avec l'introduction du multipartisme, suite aux émeutes d'octobre 1988. Cependant, l'armée a continué d'exercer son influence en coulisses, intervenant notamment lors de la crise de 1992 qui a conduit à une décennie de violence, faisant environ 200 000 victimes.

Aujourd'hui, malgré une population d'environ 44 millions d'habitants et un taux d'alphabétisation d'environ 80%, l'Algérie peine à se défaire de l'emprise militaire sur son système politique. Le mouvement Hirak, né en février 2019, témoigne de l'aspiration populaire à un changement profond.

La réélection contestée de Tebboune intervient dans un contexte où l'Algérie fait face à de nombreux défis. Membre de l'OPEP depuis 1969 et possédant la deuxième plus grande réserve de gaz naturel en Afrique, le pays doit diversifier son économie pour réduire sa dépendance aux hydrocarbures.

"Un système politique militarisé"

Madjid Benchikh, ancien doyen de la faculté de droit d'Alger

Cette description du système algérien par Madjid Benchikh reste d'actualité, malgré les changements constitutionnels successifs depuis 1962. L'influence persistante de l'armée souligne la difficulté de l'Algérie à établir une véritable démocratie, où le pouvoir civil primerait sur le pouvoir militaire.

La société algérienne, riche de sa diversité linguistique avec l'arabe et le tamazight comme langues officielles, aspire à un renouveau politique. Cependant, le chemin vers une gouvernance plus représentative et transparente semble encore long, alors que l'ombre de l'armée continue de planer sur les institutions du pays.

Nicolette Mathieu

Économie