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Accident d'une bergère : le dilemme du travail non déclaré en alpage

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Une bergère blessée avant le début officiel de son contrat se voit refuser la reconnaissance d'un accident du travail. La CGT dénonce une pratique généralisée de travail dissimulé dans le secteur pastoral alpin.

Dans les majestueuses Alpes françaises, couvrant près de 35 000 km² de territoire, un incident survenu à une bergère met en lumière les conditions de travail précaires des travailleurs ruraux, en particulier des bergers. Cette situation soulève des questions cruciales sur la responsabilité en cas d'accident survenant avant le début officiel d'un contrat de travail.

Le 3 juillet 2023, une bergère trentenaire a subi une grave blessure à la cheville en arrivant sur son lieu de travail, un alpage de Haute-Savoie, la veille du début officiel de son contrat d'un mois. Ce département accueille chaque année environ 100 000 ovins en estive, illustrant l'importance du pastoralisme dans la région. La bergère espérait voir sa blessure reconnue comme un accident du travail, mais la Mutualité Sociale Agricole (MSA) des Alpes-du-Nord a initialement refusé cette reconnaissance le 31 août 2023.

Cette situation met en évidence une pratique courante dans le secteur pastoral : les bergers sont souvent contraints de travailler avant le début officiel de leur contrat, sans rémunération ni protection sociale. La Confédération Générale du Travail (CGT), le plus ancien syndicat français fondé en 1895, dénonce cette pratique comme du "travail dissimulé" généralisé.

Le métier de berger, reconnu comme un métier en tension en France, implique des conditions de travail particulièrement exigeantes. Les bergers d'alpage travaillent fréquemment plus de 70 heures par semaine pendant la saison d'estive, qui s'étend généralement de juin à septembre. Ils peuvent être responsables de la surveillance de jusqu'à 1500 brebis, soulignant l'ampleur de leur tâche.

Le pastoralisme, une pratique ancestrale datant de plus de 6000 ans dans les Alpes, joue un rôle crucial dans la préservation de la biodiversité alpine et l'entretien des paysages. Il contribue également à la prévention des incendies et à la production de fromages AOP, soulignant son importance économique et écologique.

Cependant, les conditions de travail des bergers soulèvent des préoccupations importantes. Le Code du travail français définit le travail dissimulé comme une infraction pénale, et les accidents du travail dans l'agriculture représentent environ 15% des accidents professionnels en France. La situation de cette bergère n'est malheureusement pas un cas isolé.

La CGT, dans sa contestation auprès de la MSA, souligne que les bergers sont souvent obligés de travailler avant le début de leur contrat pour préparer la saison d'alpage. Cela inclut la reconnaissance du terrain, l'installation du matériel, et la remise en fonction des équipements essentiels.

Cette affaire met en lumière la nécessité d'une meilleure protection sociale pour les travailleurs ruraux, en particulier dans le contexte du changement climatique qui affecte les pratiques pastorales dans les Alpes. Elle souligne également l'importance d'une formation adéquate pour les bergers, souvent dispensée dans des écoles spécialisées.

Alors que la France compte environ 1,5 million d'hectares d'alpages, il est crucial de reconnaître et de protéger le travail essentiel des bergers. Leur rôle dans la gestion des troupeaux, souvent assistés de chiens de berger comme le Border Collie, est indispensable à la préservation de ces écosystèmes uniques et à la continuité des traditions pastorales alpines.

Verney Austin